L’Histoire, la vraie, ne sera jamais écrite par les politiques. Fort heureusement. Mais nous ne pouvons pas rester silencieux après avoir entendu cette phrase du discours prononcé par le président de la République lors de la commémoration de la rafle du Vél' d’Hiv: “Ce crime a été commis en France par la France“.
Il est possible de répondre à cette affirmation en s’indignant devant une telle confusion entre un régime issu de l’occupation du territoire national par l’armée nazie et la France. Au risque d’entrer, sans l'avoir souhaité, dans une polémique partisane.
Mais il est également possible d’écouter, par-delà le temps, la réponse d’un témoin essentiel de ce que fut le gouvernement de Vichy.
Ce témoin, jeune député du Front populaire, nous dit ce qu’était le régime porté par l’occupant: “Les assemblées n’ont plus de pouvoir réel. Elles ne seront même pas consultées sur l’essentiel, c’est-à-dire l’armistice. On va leur arracher une abdication constitutionnelle. La IIIème République est morte. En attendant de trouver un régime démocratique, la France sera gouvernée par des gens choisis directement ou indirectement par l’ennemi. Je ne participerai pas à la comédie qui va se jouer à Vichy“.
La rafle du Vél' d’Hiv, un crime “commis par la France“ ?
Condamné par un tribunal vichyste pour avoir voulu rejoindre le Maroc afin de continuer le combat, ce patriote, lieutenant aviateur, se souvient: “J’entends: «Six ans d’emprisonnement... perte du grade... privation pendant dix ans des droits civils, civiques et familiaux...». Enfin, il s’arrête. Je me tourne vers la garde. Les soldats sont blêmes. Je leur dis: «On vient de condamner un innocent par haine politique. Ce n'est pas la justice de la France, c'est celle d'Hitler. Ne désespérez pas de la France...».
La rafle du Vél' d’Hiv, un crime “commis par la France“ ?
La réponse, implacable, nous vient de ce combattant de la France libre, du nom de Pierre Mendès-France. Vichy n'était pas la France ! Ses crimes n'étaient pas ceux de la France ! Ils étaient ceux "des gens choisis directement ou indirectement par l'ennemi" !
Mais une question se pose aujourd'hui: pourquoi veut-on à tout prix entretenir cette confusion ?
Dominique Gallet
- La première citation se trouve dans la biographie que Jean Lacouture a consacré à Pierre Mendès-France, Le Seuil - 1981 et 2003
- La deuxième citation est tirée de "Liberté, liberté chérie", un récit de Pierre Mendès-France, édité en 1942 à New-York, et en 1990 par Fayard
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