17 janvier 2007
L’information est passée relativement inaperçue. Et pourtant, elle est loin d’être anodine.
Selon des archives officielles britanniques, rendues publiques lundi 15 janvier par la BBC, le 10 septembre 1956, le président du Conseil français Guy Mollet, en visite à Londres, proposait au premier ministre britannique Anthony Eden de fusionner la France et la Grande-Bretagne. Devant le refus poli de Londres, le chef du gouvernement français, proposait alors - belle reconversion pour un secrétaire général de la SFIO, membre de l’internationale socialiste - que la France adhère au Commonwealth ! Selon un document du Foreign Office, daté du 28 septembre 1956, Anthony Eden estima, à la lumière de ses entretiens avec les dirigeants français, "que l'on devait prendre en considération sans délai une adhésion de la France au Commonwealth ; que monsieur Mollet ne pensait pas que l'acceptation de la souveraineté de Sa Majesté par la France soulève des difficultés ; (et) que les Français seraient favorables à une citoyenneté commune sur le modèle irlandais".
Passée la réaction première d’incrédulité devant l’absurdité d’une telle proposition, cette révélation jette une lumière crue sur l’allégeance de Guy Mollet au monde anglo-saxon, parfait exemple de la servilité qui a caractérisé tous les gouvernements de la IVème République, à l’exception de celui de Pierre Mendès-France. Mais aussi à quel point le retour au pouvoir du général de Gaulle deux ans plus tard, en 1958, nous a fait échapper à la disparition programmée de la France comme puissance souveraine !
Cette tentation du renoncement national a toujours été présente dans notre longue Histoire, sous des formes diverses et au nom de prétextes très différents. En quittant le pouvoir le général de Gaulle savait que la France allait, pour un temps, redevenir médiocre, soumise et, qu’écoutant les “réalistes“ du moment, elle allait mener une politique “convenable“. Que la révolution sociale qu’il voulait engager par la participation serait immédiatement sabotée par un patronat affolé à cette perspective et par une CGT inquiète pour son influence contestataire. Que la voix libératrice de la France ne résonnerait plus sous divers cieux du monde, de Phnom-Penh à Montréal, de Bucarest à Mexico. Mais il était tout autant persuadé qu’un jour, de son tréfonds, le peuple français allait faire renaître sa passion pour le progrès social et la fraternité humaine, son pacte avec la liberté du monde, son désir millénaire de chevauchée universelle.
L’éditorialiste du Frankfurter Allgemeine Zeitung écrivait déjà il y a une dizaine d’année à propos de la situation française : “Le penchant national à la résistance, à la défense contre toutes les dominations étrangères, monte, monte“. Les élites convenables et soumises, qui règnent dans les mondes politique, médiatique et économique, essayent de le minimiser ou d’en brouiller le sens, mais notre esprit de rébellion et d’indépendance renaît inexorablement. En symbiose totale avec nos dirigeants face aux guerres en Irak et au Liban. En opposition à la plupart d’entre eux lors du référendum sur la constitution européenne.
À l’étranger, l’espoir de la renaissance d’une France fidèle à sa mission singulière, est très présent. Et pas seulement dans les pays du Sud, en Europe également. La déclaration au Monde du prix Nobel de littérature le Portugais José Saramago, à propos du résultat du référendum européen, est révélatrice de cet espoir : “Je ne sais pas quelle France a voté cela, mais j’ai beaucoup aimé ce sursaut. D’un point de vue culturel, la France est pour moi d’une importance fondamentale, même si je pense qu’elle a laissée tomber son rôle de phare. Si vous réussissiez à le récupérer, ce serait formidable pour l’Europe et pour le monde“.
La France n’a pas fini de
parler au monde !
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