Le Docteur TOUSSAINT GALLET
(4 juillet 1905 – 6 janvier 1970)
SES PARENTS
Émile Gallet, né à Paris, d’une famille originaire de Lorraine et Eugénie Thérèse Lorenzi, née à Corte (Corse), tous les deux instituteurs à Boulogne-Billancourt.
SES ACTIVITÉS AVANT LA GUERRE
Docteur en médecine en 1934
Thèse : L'Assistance publique à l'hôpital, ce qu'elle est, ce qu'elle devrait être (Éditions Le François 1934)
Assistant de physiologie à la Faculté de Médecine de Paris
Assistant de consultation à l’Hôpital Lariboisière
Médecin accoucheur attaché à l’Hôpital Foch
Médecin gynécologue, cabinet au 33 rue Poussin, Paris 16e.
Médecin accoucheur à la Clinique du Belvédère (Boulogne-Billancourt)
Escrimeur émérite, il remporte le Challenge Martini en battant le champion de France Schmetz
LA GUERRE EN UNIFORME
Citation à l’ordre de son Régiment : « Médecin Lieutenant ayant fait preuve en toutes circonstances d’un sens élevé du devoir, d’initiative et de décision. Le 17 juin 1940 en forêt d’Orléans, s’est prodigué sans compter, allant courageusement ramasser les blessés sous le feu de l’ennemi. »
LA RÉSISTANCE
La France Libre à Londres officialisera son engagement dans la Résistance (réseau Béarn, Toussaint R.U.A 401) par un “message personnel“ qui sera diffusé à la BBC un soir de l’hiver 42 : «Dominique peut avoir confiance en Dominique». Dominique, son troisième prénom (Toussaint, Joseph, Dominique) était le pseudonyme sous lequel il était connu de ses agents du groupe havrais qui mobilisait l’essentiel de ses activités. Les pivots de ce groupe de renseignement sur les activités militaires allemandes dans la région du Havre étaient Juliette et Roger Mayer (qui fonda dans la clandestinité le journal “Le Havre Libre“ qu’il continua de diriger ensuite après la Libération).
Les contacts de Toussaint Gallet avec le groupe pour transmettre les demandes de Londres et recevoir les renseignements obtenus se faisaient, en général, le mercredi en milieu de matinée, sous les arcades du Théâtre de l’Odéon, où se trouvaient à cette époque des bacs de bouquinistes. Son agent de liaison était Jean Thomas, alias Pierre.
Grâce au groupe havrais, Toussaint Gallet a pu transmettre à Londres de nombreux renseignements militaires, qui permirent plusieurs destructions par bombardement dans le dispositif allemand.
Citation du décret du 6 juin 1946 : « S’est acquitté de toutes les missions qui lui ont été confiées avec exactitude, intelligence et zèle, a obtenu d’excellents résultats contre l’ennemi en dirigeant avec courage et sang-froid son groupe d’agents. A fourni ainsi à son réseau de très précieux renseignements, en particulier dans la région havraise et de l’Escavel ».
Traqué par la Gestapo à partir du 17 mars 44, « il a continué son activité à la tête de son groupe au mépris du danger qu’il courait » (citation du décret du 6 juin 1946).
ARRESTATION ET TORTURE
Il sera finalement arrêté par le Sicherheitsdienst de la SS le 23 mai 1944 dans un café de la Porte de Versailles dans l’attente d’un rendez-vous avec l’un de ses agents. Il aura le temps d’avaler le document qu’il devait lui remettre.
« Arrêté, il conserve toujours un cran et un moral très élevé » (citation du décret du 6 juin 1946).
Interné à Fresnes au secret (Nacht und Nebel), il sera torturé au siège de la Gestapo rue des Saussaies. Il protègera jusqu’au bout ses agents. Aucun ne sera arrêté.
Témoignage du Médecin-Général Henri Parlanges sur Toussaint Gallet à Fresnes : « C’est au dernier étage d’un bâtiment de Fresnes, après des mois de cellule, au secret, que j’ai vu pour la première fois celui qui allait devenir mon ami Toussaint Gallet. J’avais été désigné pour tirer le chariot et, de porte en porte, verser le brouet quotidien dans les gamelles. Entre deux grincements de serrure, avant le brutal claquement de porte, je l’ai vu, les vêtements en loques, le visage marqué des stigmates de la réclusion. Mais il était droit, d’une étrange dignité, et il a souri, de ce sourire loyal et bon que nous lui avons tous connu aux heures de bonheur et de paix. Parmi tous ceux que j’ai ainsi entr’aperçus, soumis au régime que nous avons su plus tard être baptisé “nuit et brouillard“, il était le seul à savoir encore, à savoir quand même, sourire. Cette image est restée profondément gravée. Elle résume tout ce qu’il a montré de courage lucide, d’équilibre, de sérénité et de bonté au long des plus inhumaines épreuves. »
LA DÉPORTATION À BUCHENWALD
Toussaint Gallet sera déporté à Buchenwald le 15 août 1944, par le dernier train partant vers les camps de concentration.
Témoignage du Médecin-Général Henri Parlanges sur Toussaint Gallet à Buchenwald : « Dans le méticuleux système qui voulait déshumaniser, dégrader, avilir, avant d’enfourner au crématoire, nous avons vu notre ami Gallet, au long des mois, et quelles que soient les situations, rester un HOMME dans la plénitude de sa dignité. Sous les hardes, dans les travaux les plus rudes, dans le grouillement des baraques, dans l’épuisement des appels glacés, il était lui, semblable à lui-même, le même Toussaint Gallet que dans les jours calmes, confortables et heureux.
Son esprit critique ne lui cédait rien des cruelles vérités. Il observait et analysait avec lucidité. Mais l’humanisme dont il était profondément imprégné a sauvegardé, fortifié même, les valeurs morales qui avaient guidé sa vie. Alors qu’il était normal, logique, de connaître des défaillances, nous avons toujours vu notre ami faire preuve d’un admirable équilibre, d’une sérénité qui est la marque du courage tranquille, raisonné, lucide : celui qui n’est donné qu’aux âme nobles.
Mais il n’a pas traversé l’enfer en s’isolant de la foule, en se protégeant seul. Son caractère, ses qualités, l’ont toujours poussé à se consacrer aux autres, à aider, à donner. Ceci a peut-être motivé une carrière médicale qui lui a permis, bien au-delà de la science, de satisfaire son sens profond de l’humain. Médecin, il l’est resté dans la jungle du camp, médecin aux mains nues qui ne pouvait traiter les corps, mais médecin des désemparés, des faibles, de ceux que l’abandon gagnait.
Plus encore que par le courage, l’image de Gallet parmi nous est dominée par la bonté rayonnante, une des vertus les plus rares à préserver dans l’écrasante lutte pour la vie. (…) Avec délicatesse, avec la finesse d’esprit dont il ne s’est jamais départi, avec parfois une pointe d’ironie, il savait réconforter, encourager, rassurer. Combien, parmi nous, ont retrouvé, grâce à lui, l’espoir ou simplement le calme indispensable pour continuer à “tenir“ ! Combien se sont sentis plus forts pour avoir partagé sa force ! Que de désarrois se sont apaisés parce qu’il avait su communiquer sa sérénité ! Aider à surmonter une faiblesse c’était, bien souvent sauver une vie ! Beaucoup d’entre nous ne sont revenus que parce qu’ils ont eu la chance, à l’heure décisive, de rencontrer un être exceptionnel comme notre ami Gallet. »
Témoignage du Colonel Frédéric-Henri Manhès, délégué de Jean Moulin pour la zone occupée, président du Comité clandestin des intérêts français (CIF) à Buchenwald : « Au Dr Toussaint Gallet dont la science et le courage aidèrent si efficacement le Comité des intérêts français à sauver d’innombrables vies françaises, avec l’expression de mon amitié indéfectible ».
Lettre de Toussaint Gallet au Colonel Frédéric-Henri Manhès : « Ma fierté est d’avoir pu, même et surtout là-bas, continuer à servir ensemble, en Français ».
MÉDECIN-CHEF DES CENTRES D’ACCUEIL DES DÉPORTÉS À L’HÔTEL LUTETIA
Lettre de Toussaint Gallet (15 avril 1945) transmise par la Croix-Rouge à ses parents au lendemain de la libération de Buchenwald : « J’ai quitté mon métier de forçat et suis utilisé enfin comme médecin. Faites ce que vous pouvez pour me faire rapatrier vite. Je serai si content de vous embrasser et de continuer à faire mon devoir. (…) Vive Notre France. Vive de Gaulle. »
Rapatrié par avion le 18 avril 1945, il se mettra le 19 avril au service du Gouvernement provisoire de la République et le 20 avril prendra ces fonctions de Médecin-chef des Centres d’accueil des déportés à l’Hôtel Lutetia. Juste le temps d’embrasser ses parents, il continuait à faire son devoir.
SA VIE DE 1945 À 1970
Il fonde une famille après avoir épousé en 1946 Thérèse Raquin, venant de Roanne où, dans sa pharmacie, elle a caché et protégé pendant l’occupation une famille juive pourchassée par la Gestapo et Vichy, et qui a pu ainsi survivre en toute sécurité jusqu’à la Libération.
Deux enfants, Dominique (né le 30 septembre 1947) et Pascal-Emmanuel (né le 28 février 1949).
Il dirige la Société de diffusion médicale et scientifique (SDMS) qui éditera les revues médicales qu'il fonde : “Santé Publique“, la “Revue française de Gérontologie“ et la “Revue de médecine physique et des sports“. La SDMS publiera également plusieurs ouvrages, notamment “Pathologie de la misère“ (1957) du professeur Charles Richer et “Paris souterrain“ (1959).
Il se consacre à la cause de la médecine du sport, dont il est un des pionniers, et qu’il fait reconnaître comme une “compétence“ par l’Ordre national des médecins, mais aussi à la cause de la lutte contre le dopage.
Médecin du travail de la BRED, de la Faculté des sciences de Paris et des Laboratoires Roger Bellon.
Il continuera, jusqu’à sa disparition le 6 janvier 1970, à se consacrer à ses camarades de la résistance et de la déportation en présidant la Commission médicale des déportés au Ministère des anciens combattants.
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