RÉSISTANCE ET RÉPUBLIQUE
UNE MÊME LECTURE POUR L'AVENIR
Ce 22 octobre, la lettre d’adieu de Guy Môquet a été lue dans les lycées de la République. Au-delà des légitimes questions sur l’instrumentalisation politique de son martyre, un débat, à l'écart de tout esprit polémique, est nécessaire sur la justesse de ce choix et, plus précisément, sur la réalité de sa contribution à la compréhension par les générations nouvelles du sens du combat de la Résistance.
Cette dernière lettre, comme souvent celles des martyrs de la Résistance - l'un des premiers d’entre eux fut le lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves, fusillé le 29 août 1941 - exprime les sentiments ultimes de Guy Môquet pour les êtres qu’il chérit. Elle appartient avant tout à son intimité familiale. L’émotion qui étreint à la lecture des dernières pensées de ce jeune militant, courageux et digne, est immense. Mais le risque est grand qu’avec le temps, cette intensité émotionnelle ne s’érode, que ces lignes si belles ne se banalisent, et surtout ne soient dénaturées par des utilisations à tort et à travers. D’ailleurs, sans tarder, la navrante lecture de sa lettre d’adieu dans le contexte d’une compétition sportive entre nations a révélé le risque de contresens, de totale confusion des valeurs.
L’École de la République doit transmettre du sens et du savoir. Est-ce le cas avec la lecture de la lettre d’adieu de Guy Môquet ? Au-delà de leurs différences d’âge, d’origine sociale, d’appartenance politique, de conception philosophique, ces femmes et ces hommes, qui ont été l’honneur de la France, partageaient un idéal patriotique. Les soldats de l'armée des ombres étaient des chevaliers des Lumières. En acceptant, par leur engagement, le sacrifice suprême, “ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas“ voulaient transmettre un humanisme aux antipodes du nationalisme et de la haine, l’idéal d’une France libre et libératrice, que le Conseil National de la Résistance, dans sa belle diversité, exprimera. Par sa nature intime et familiale, la lettre de Guy Môquet n’est pas un document qui contribue à la réflexion sur la Résistance. Il est un témoignage sur la barbarie nazie et le système des otages, sur le courage bouleversant de l'une de ses jeunes victimes, ainsi que sur l'engrenage monstrueux de la Collaboration.
Par contre, une multitude d’exemples permettraient de susciter une véritable réflexion et de transmettre le sens profond, l’esprit de la Résistance. Il est notamment une page héroïque qui exprime cet idéal, mais qui est ignorée, faute d’information, par la quasi-totalité des jeunes Français. C’était le 17 juin 1940, la veille d’un certain 18 juin. Au fond de sa cellule, à côté d’un tirailleur sénégalais endormi, le préfet de Chartres, Jean Moulin, se tranche la gorge pour ne pas céder aux nazis qui veulent l’obliger à signer une déclaration mensongère accusant les soldats africains de l’armée française d’avoir commis des crimes de guerre perpétrés, en fait par l’armée hitlérienne. Sauvé in extremis, il sera libéré.
Un des premiers grands actes de résistance française venait d’avoir lieu, un acte de dignité humaine et de fraternité avec les peuples noirs. Jean Moulin, qui allait ensuite rejoindre le chef de la France Libre à Londres et devenir l’organisateur et l’unificateur de la résistance intérieure, consignera dans Premier combat la chronique dépouillée des premiers jours de l’exode et de l’occupation, de sa révolte contre le vichysme naissant et de son sacrifice du 17 juin. Ce petit livre lumineux devrait être porté à la connaissance de tous les jeunes Français car il est emblématique de l’engagement dans la Résistance en répondant directement, simplement, au “pourquoi“, au “comment“ et au “jusqu’où“.
Dans la crise d’identité que traverse aujourd’hui notre pays, la transmission aux nouvelles générations de ce magnifique exemple, quintessence du patriotisme français et de l’humanisme républicain, est indispensable. Il est essentiel pour l'avenir que les élèves de France, dans leur diversité, apprennent qu’un jeune préfet de la République a su, face au nazisme, incarner jusqu’au sacrifice suprême la belle devise inscrite sur le fronton de leurs établissements : “Liberté, Égalité, Fraternité". L'École de la République contribuera ainsi à l'une de ses missions, qui est de former des citoyens.
DOMINIQUE GALLET
D'abord, je voudrais vous dire ma satisfaction de constater que ce blog sort de son "sommeil". J'y revenais assez souvent sans trouver de nouveaux textes.
Je regrette que votre point de vue sur la résistance, que je partage complètement, ne soit pas repris largement. Le débat qui a eu lieu était souvent trop manichéen et surtout n'abordait pas le fond des choses comme vous le faites. Le personnage de Jean Moulin, dont nous avons déjà parlé sur ce blog, doit être mieux connu, car il est l'exemple héroïque de la force des valeurs de la République. C'est important pour les combats d'aujourd'hui.
Rédigé par : Samia | 27 octobre 2007 à 13:19