Ardent patriote, républicain exigeant, serviteur infatigable de l'État, orateur de talent, véritable stentor du débat parlementaire, militant indéfectible de la Francophonie, homme de conviction au tempérament rebelle, Philippe Séguin, aura parfaitement incarné l'esprit et les valeurs de la France, l'espoir que nous a légué Charles de Gaulle.
Certes, la classe politique française et les médias, unanimes, et aujourd'hui la République aux Invalides, lui ont rendu un hommage exceptionnel. Mais l'hommage éclatant à l'homme a souvent été l'occasion pour certains de décréter la fin de l'idéal politique qui était sa raison d'être. Les déclarations péremptoires ont fait florès, à l'image de celle de Christophe Barbier sur LCI : "L'histoire allait dans le sens contraire des aiguilles de la montre de Philippe Séguin". Les yeux rivés sur le présent, sur l'instant, ces commentateurs de l'apparence ont tendance à prendre le micro-climat parisien pour le vent de l'histoire. Ils ne voient pas le nouveau monde surgir de la crise, qui balaye les catéchismes libéraux comme les vieilles lunes fédéralistes et redonne tout leur sens aux États souverains et à la coopération intergouvernementale.
Le jour de la disparition de Philippe Séguin, je recevais le message, émouvant et révélateur, d'un grand Québécois, Jean-Louis Roy (1), qui m'écrivait notamment : "Forte, vraie et libre, cette voix unique ne se fera plus entendre sinon par ceux et celles qui sauront s'en inspirer et résister comme il l'a fait admirablement toute sa vie." Le Québec a toujours beaucoup compté pour Philippe Séguin. Au moment du débat sur Maastricht, je lui avais fait parvenir un appel d'écrivains québécois que j'avais suggéré au poète Gaston Miron de susciter. Dès le lendemain du référendum, Philippe Séguin m'envoyait un petit mot pour me remercier, dans lequel il précisait : "J'étais allé moi-même me ressourcer à Montréal et à Québec en août et j'avais pu y constater l'effarement de nos amis devant les tentations éprouvées par certains Français". Il admirait la résistance séculaire du peuple québécois et espérait que la France resterait fidèle à l'idéal du Conseil national de la Résistance.
Je le vois encore le 18 janvier 1994 remettre à Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin, le Prix de l'Assemblée nationale (2) et condamner ceux qui "visent cette exception française que fut bel et bien l'esprit de la Résistance et qui ne va jamais de soi". Je l'entends encore s'adresser à tous ceux qui sont venus pour rendre hommage à Daniel Cordier, à Jean Moulin et à l'armée des ombres : "Nous avons tous, autant que nous sommes, universitaires, écrivains, journalistes, élus, un même combat à mener, je crois, combat qu'il est moins assuré qu'on ne croit de gagner à coup sûr: un combat contre les difficultés que rencontre en ce moment la culture française, la langue française. [...] Nous menons tous un certain combat pour la liberté de l'esprit dans un monde que nous ne voulons pas unidimentionnel, mais qui, à bien des égards menace de l'être chaque jour davantage. Et c'est en cela que nous honorons d'une autre façon la Résistance française dans le monde de cette fin de siècle". Philippe Séguin n'est pas "le dernier mohican du gaullisme" comme cela a été écrit ici et là, mais bien l'éclaireur d'une France renouant avec ses valeurs, ses combats, ses solidarités. Sa disparition est un coup de semonce tragique pour le destin de la France. Elle nous oblige à poursuivre avec une ardeur redoublée la longue marche de la République pour l'égalité, le combat pour une France forte, libre et libératrice, pour une Europe qui respecte ses peuples, pour une Francophonie active et solidaire.
DOMINIQUE GALLET
(1) Directeur du quotidien montréalais Le Devoir de 1981 à 1986, délégué général du Québec à Paris jusqu'en 1990, secrétaire général de l'Agence de la francophonie jusqu'en 1998, actuellement président du Centre de la Francophonie des Amériques. http://jeanlouisroyblog.wordpress.com/.
(2) Pour son livre Jean Moulin, l'inconnu du Panthéon, Jean-Claude Lattès 1993.
Je pense que l'évolution du monde et notamment la crise de la mondialisation libérale démontrent la pertinence des idées gaullistes. A l'étranger ou je vis, beaucoup de gens pensent comme moi.
Rédigé par : Jean G | 14 février 2010 à 15:55
j'ai réagi comme vous devant l'hypocrisie de certains qui ont toujours combattu les idées de Philippe Séguin. je pense que l'évolution du monde montre la pertinence de l'idéal gaulliste. Beaucoup de jeunes de mon âge s'intéressent à ces idées quand nous en parlons.Je vais suivre votre blog que je ne connaissais pas.
Rédigé par : Fabien | 05 février 2010 à 12:30